Du premier des rois capétiens absolus

Publié le par Morgan

Né en 1268 à Fontainebleau, de Philippe III le Hardi  (1245 - 1285) et d'Isabelle d'Aragon qui décèdera à 24 ans en tombant de cheval, Philippe IV le Bel est roi à la mort de son papa. A son règne de 29 années correspond une période charnière où les institutions, mues par une inspiration supérieure inéluctable, s'étoffent sans dévier d'une direction unique : la concentration du pouvoir royal et, comme conséquence, l'avénement de la France en tant qu'état moderne. Accélération qui s'empare des structures féodales en en brisant certaines chaînes, lointain et premier maillon qui servira de socle à l'établissement du régime civil français.

 

rois maudits 02Roi de marbre ou de fer, les qualificatifs ne manquent pas pour signifier le changement que veut contraindre le souverain et la résistance finit par capituler... provisoirement. A l'exception des Flandres mutines qui, préférant l'or de l'Angleterre au joug de la France, ont contré victorieusement les assauts de Philippe IV (par deux fois en 1302 : lors des Matines de Bruges et de la sévère défaite de Courtrai), tout a plié devant son projet. Curieuse mythologie française qui fait - et cela jusqu'au 21 janvier 1793 où le cordon est rompu avec le col de Louis XVI - du Roi de France le symbole de la permanence de l'Etat et réciproquement de la France le cadre naturel d'un Royaume mis à disposition des Capétiens père et fils par Dieu lui-même ! Il n'est que de se souvenir de la mission sacrée de Jeanne d'Arc un siècle plus tard. Le lien personnel, pyramidal et invisible, de suzerain à vassaux, est le ciment qui permettra d'agglomérer autour de l'étroit territoire d'Ile-de-France des premiers Capétiens des nations disparates qui auraient pu tout aussi bien briguer d'autres emplois. Philippe IV use à satiété d'un tel instrument de prééminence : non seulement il acquiert Champagne et Navarre par mariage mais encore il assujettit les grands feudataires à l'appareil d'état centralisateur. Enguerrand de Marigny (1260 - 1315) est le coadjuteur du royaume, son premier ministre. Les baillis et les sénéchaux sont missionnés dans les provinces. Il s'entoure de légistes instruits en droit romain, de simples bourgeois parfois comme le languedocien Guillaume de Nogaret (1260 - 1313) réunis en grand conseil. Il organise l'administration de la chambre des comptes et des parlements de justice et réunit, pour la première fois, les Etats-Généraux promis à un avenir révolutionnaire. Comme l'argent est le nerf de la guerre (et son moteur), il étend efficacement un impôt régulier à tous ses sujets (non nobles bien entendu, faut pas rigoler, mais à l'Eglise aussi). Il pressure Juifs et Lombards, usuriers de l'Europe. Il se débarrasse de cet état dans l'état que sont les Templiers, à la fois gardiens de la cassette royale et d'une constellation de biens fonciers. Si ça ne suffit pas aux rentrées d'argent, il devient magicien, voire faux-monnayeur, en spéculant sur la valeur de la monnaie dont les mutations entraînent inflation et mécontentement populaire et aristocratique. Lors de l'intervention musclée d'Agnani en 1303, il s'attaque au pape Boniface VIII (1235 - 1303) qui avait vaguement dans l'idée d'instaurer une théocratie en Occident. Philippe IV tombeauNul n'ignore désormais que le roi de France n'a pas de maître sur Terre hors Dieu (et les Flamands, mais bon...). On y gagne une papauté française installée en Avignon. L'Etat prédateur dévore l'image protectrice et naïve dans laquelle s'était drapé le royaume embryonnaire de son grand-père Saint Louis (1214 - 1270). Pays le plus peuplé de la chrétienté latine, la France amorce son entrée dans la modernité.

 

Obscurci par le scandale de ses brus adultères, la fin de règne est brutale. Comme sa mère, il meurt suite à une chute de cheval au cours d'une chasse en 1314. La commotion cérébrale l'emporte à 46 ans. De ce grand roi cynique mais visionnaire, l'évèque de Pamiers Bernard Saisset, qui ne l'aimait pas trop, a dit : Ce n'est ni un homme, ni une bête. C'est une statue. Il n'y a pas de grand homme sans entourage de qualité et il faut reconnaître que son conseil (personnel ou collégial) a été d'une justesse et cohérence politique remarquables sur trois décennies. Mais n'ayons crainte !, les Valois champions de la réaction aristocratique, en ramassant la couronne tombée de la tête des Capétiens directs sans postérité, n'auront de cesse d'abattre ce tronc... sans jamais y réussir vraiment. Pour apprécier la pleine saveur du combat idéologique entrepris contre l'oeuvre de Philippe IV le Bel, il faut redécouvrir la fresque des Rois Maudits écrite de 1955 à 1960 par Maurice Druon ou en revoir la brillante adaptation télévisée de Claude Barma (1972). Attention ! Pas la récente de 2005, hein !, elle est nulle ! mais c'est un autre débat...

Publié dans Histoire

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M
<br /> <br /> Une époque que j'ai retenu.... grâce aux Rois Maudits<br /> <br /> <br /> Les vrais pas la pâle imitation <br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> <br />
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M
<br /> <br /> On est bien d'accord ! <br /> <br /> <br /> <br />