De la dame de pique

Publié le par Morgan

Quelle idée, vous exclamez-vous, de concocter un article sur un personnage controversé de l'Histoire pourMarie Antoinette manga lequel je n'éprouve guère d'amitié ! Marie-Antoinette d'Autriche (1755 - 1793) est pourtant à la mode, remodelée en jeune fille manga dans le dessin animé Lady Oscar ou en Lady Di anachronique dans le film à demi réussi (voire raté) de Sofia Coppola (2005).

 

Remettons un peu les pendules à l'heure. Quand l'archiduchesse arrive à Versailles pour épouser un dauphin réservé et lui procurer une descendance, elle est déjà victime : de son jeune âge, d'un monde où les femmes n'ont pas grande possibilité de se défendre, d'un manque d'éducation dont même sa mère, l'impératrice Marie-Thérèse (1717 - 1780), s'accuse avec remords. Enfin, on ne peut tout de même pas demander à une adolescente de quatorze ans, tout juste arrachée à la chaleur du cocon familial et débarquée dans une cour à la sévère étiquette, de faire preuve d'esprit et de personnalité. Ah si ! elle tient tête à la Comtesse du Barry (1743 - 1793), royale maîtresse issue de la roture, ce qui lui vaut les remontrances sévères et de son beau-grand-père Louis XV et de sa maman. Elle capitule mais saura s'en souvenir. Le péché de Marie-Antoinette, malgré son caractère aimable, est l'orgueil : du rang, du nom, de sa race. Elle refuse l'autorité et d'aller contre ses penchants. L'avènement de Louis XVI (1754 - 1793) en 1774 l'entraîne au sommet de l'Etat le plus puissant d'Europe. Elle révèle soudainement sa frivolité dans un tourbillon de plaisirs. Bals parisiens, salons où l'on mise de fortes sommes d'argent au jeu du pharaon, scènes de théâtre où elle incarne les bergères. La reine est dépensière mais elle est bien moins responsable du lourd déficit de la France que le blocage des réformes institutionnelles et la guerre engagée en Amérique. Elle aménage au Trianon un semblant de havre de paix d'où la cour, en dehors de ses familiers, est exclue. Double erreur car, en se coupant de la faction multiséculaire que Louis XIV avait tenue en laisse et en n'usant pas de son devoir de représentation, elle perd son aura y compris marie-antoinette coppolaauprès du peuple dont elle singe la prétendue simplicité sans en connaître la profonde détresse. Plus que ses fautes, c'est son déficit d'image qui donne corps à des élucubrations possibles sur ses infidélités multiples - il est néanmoins du domaine du possible qu'Axel de Fersen (1755 - 1810) ait franchi la ligne royale - ainsi que sur son pouvoir de faire et défaire les ministres ou, plus grave encore, l'Affaire du collier qui éclabousse le trône en 1785. Sa vie durant, elle se sent plus Autrichienne que Française, entretenant un commerce dangereux avec sa mère pour l'informer des affaires du royaume, mais aussi encouragée à la légèreté par son mari qui veut la tenir éloignée du gouvernement.

 

C'est la Révolution finalement et ses maternités qui fortifieront son âme. Elle devient politique (et traîtresse) en soutenant l'Autriche et la contre-Révolution quand Louis XVI perd ses moyens face à un monde qui s'écroule. Elle devient respectueuse de son époux quand l'épreuve les unit au sort de la monarchie en France et donc de leurs deux enfants, Madame Royale (1778 - 1851) et le petit dauphin du Temple (1785 - 1795). Animée d'une vigueur religieuse, elle affronte la honte de la fuite à Varennes et les atteintes morales de son procès avec grandeur et dignité. Ce n'est pas une tête folle que l'on tranche à la guillotine mais une femme qui, ne pouvant comprendre et admettre son temps, s'est accrochée aux lambeaux d'une histoire qui n'est déjà plus que cendres.

Publié dans Histoire

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